Il y a quelques années, un ami entrepreneur cherchait des fonds rapidement pour développer l’une de ses activités. Plutôt que de solliciter un prêt classique, il s’est tourné vers une solution méconnue : le crédit lombard. Au lieu de vendre ses actions et obligations – qu’il préférait conserver pour leur potentiel de rendement – il a pu emprunter une somme conséquente adossée à son portefeuille de titres. Cette opération lui a permis de bénéficier d’un taux avantageux et d’une mise à disposition rapide des fonds. Pourtant, lorsqu’il m’en a parlé, je me suis rendu compte que bien peu de gens connaissaient ce mécanisme pourtant ancien. Dans les lignes qui suivent, nous allons découvrir ensemble ce qu’est un crédit lombard, comment il fonctionne, quels sont ses avantages et ses risques, et à quel profil il s’adresse.
Qu’est-ce que le crédit lombard ?
Définition et fonctionnement de base
Le crédit lombard est un emprunt garanti par des actifs financiers, généralement détenus sur un compte-titres ou un contrat de capitalisation. Lorsque vous contractez ce type de prêt, la banque étudie la valeur de votre portefeuille (actions, obligations, parts de fonds, etc.) et vous prête un pourcentage de cette valeur. Le ratio utilisé est souvent appelé loan-to-value (LTV). Par exemple, si votre portefeuille de titres vaut 100 000 € et que la banque accepte un LTV de 50 %, vous pouvez emprunter jusqu’à 50 000 €.
L’un des intérêts majeurs est que vous ne vendez pas vos titres : vous conservez la possibilité de profiter d’une éventuelle hausse de leur valeur et vous continuez à percevoir des dividendes ou des intérêts (pour les obligations). En contrepartie, la banque se réserve le droit, en cas de baisse importante de la valeur du portefeuille, d’exiger un remboursement partiel ou total du crédit pour éviter un défaut de garantie. On appelle cela un appel de marge.
Origine du terme et historique
Le mot « lombard » est lié à la Lombardie, région située au nord de l’Italie, historiquement connue pour son essor bancaire et commercial dès le Moyen Âge. Les marchands lombards avaient pour habitude de prêter de l’argent à des commerçants en prenant des marchandises ou des titres de créance en gage. Cet usage a perduré et s’est transformé au fil des siècles, jusqu’à devenir le crédit lombard que l’on connaît aujourd’hui, proposé par de nombreuses banques privées et établissements spécialisés.
Les types d’actifs éligibles en garantie
La banque évalue différents critères pour accepter ou non un portefeuille en garantie. Elle privilégie en général les actifs liquides (faciles à revendre) et peu volatils. Le tableau ci-dessous illustre les catégories d’actifs couramment acceptées :
Catégorie d’actif | Caractéristiques | Exemple |
---|---|---|
Actions de grandes capitalisations | Forte liquidité, valeurs cotées sur des places boursières majeures | Apple, LVMH, TotalEnergies, etc. |
Obligations | Revenus fixes (intérêt), cours sensibles aux taux d’intérêt et au risque émetteur | Obligations d’État, obligations d’entreprises notées “investment grade” |
Fonds communs de placement | Portefeuille diversifié, relativement stable selon la nature du fonds | OPCVM, SICAV, ETF sur indices |
La banque peut exclure certains titres jugés trop spéculatifs ou insuffisamment liquides, comme les small caps peu négociées ou les produits dérivés complexes.
Quels sont les avantages et les risques du crédit lombard ?
Les principaux avantages
Beaucoup d’emprunteurs choisissent le crédit lombard pour obtenir rapidement des fonds sans vendre leurs positions en Bourse. Les taux proposés sont souvent attractifs, car la banque dispose d’une garantie solide avec votre portefeuille d’actifs. En outre, la mise en place du prêt est généralement plus rapide qu’un crédit immobilier, car il n’y a pas de constitution d’hypothèque et moins de formalités administratives.
Ce type de financement offre également une flexibilité : vous pouvez utiliser les fonds pour tout type de projet (investissement, immobilier, besoin de trésorerie dans votre entreprise, etc.) tout en conservant la possibilité de profiter de la performance future de vos titres.
Les risques encourus par l’emprunteur
Le principal risque est la variation de la valeur du portefeuille en garantie. Si un krach boursier survient ou si vos actions subissent une forte baisse, le montant du prêt peut devenir disproportionné par rapport à la valeur de vos titres. Dans ce cas, la banque peut émettre un appel de marge, exigeant que vous remboursiez une partie du capital ou que vous apportiez d’autres garanties. Faute de réponse de votre part, la banque peut vendre tout ou partie de vos titres pour récupérer son dû.
Un autre risque consiste à suroptimiser le levier, c’est-à-dire emprunter une somme trop élevée par rapport à la valeur du portefeuille. Si les marchés se retournent, vous vous retrouvez alors doublement pénalisé : baisse de la valeur de vos actifs et exigence de remboursement anticipé.
Comparaison avec d’autres formes de financement
Pour se rendre compte de la place qu’occupe le crédit lombard, on peut le comparer rapidement à un crédit à la consommation ou à un crédit immobilier. Le crédit conso est souvent coûteux en intérêts et plafonné à des montants plus faibles ; le crédit immobilier nécessite un bien immobilier en garantie et comporte des délais plus longs de mise en place. Le crédit lombard se trouve donc à un carrefour entre la souplesse d’un crédit personnel et la solidité d’une garantie réelle (votre portefeuille de titres), d’où son intérêt particulier pour certains profils d’emprunteurs.
À qui s’adresse le crédit lombard ?
Profils typiques
On associe souvent le crédit lombard à une clientèle fortunée ou à des entreprises familiales. Pourtant, il peut aussi convenir à des épargnants qui disposent d’un patrimoine financier non négligeable et souhaitent :
- Bénéficier d’une liquidité rapide sans se séparer de leurs titres ;
- Tirer parti de la valeur latente de leurs actions ou obligations pour financer un projet ;
- Optimiser leur trésorerie de façon temporaire, par exemple en attendant la vente d’un autre actif.
On parle souvent d’entrepreneurs ou de cadres ayant accumulé des stock-options, ou encore de particuliers ayant hérité d’un portefeuille de titres qu’ils ne veulent pas liquider immédiatement.
Montants et durées possibles
Le montant du crédit lombard dépend de la valorisation de votre compte-titres et du ratio de loan-to-value accepté par la banque. Les établissements proposent parfois des durées très courtes (quelques mois) ou plus longues (plusieurs années). Dans tous les cas, la banque se réserve le droit de réévaluer régulièrement la valeur de la garantie pour s’assurer qu’elle couvre toujours l’encours du prêt.
Conditions d’octroi et exigences bancaires
Les banques sont plus enclines à accorder un crédit lombard aux clients ayant un historique chez elles (épargne, placements gérés par leurs soins, etc.). Elles évaluent également la diversification du portefeuille : un panier d’actifs variés et stables est plus rassurant qu’un petit nombre d’actions hautement spéculatives.
Il est fréquent que l’établissement bancaire exige un compte-titres ouvert en son sein pour pouvoir vérifier à tout moment la valeur des titres et, le cas échéant, agir rapidement en cas de baisse importante des marchés.
Comment mettre en place un crédit lombard ?
Les étapes clés
Pour mettre en place un crédit lombard, l’emprunteur commence par présenter à la banque son portefeuille d’actifs. L’établissement évalue alors :
- La composition du portefeuille (actions, obligations, fonds).
- Le risque associé à chaque ligne (liquidité, volatilité, note de crédit pour les obligations).
- Le niveau de garantie jugé acceptable (loan-to-value).
Une fois cette analyse terminée, la banque propose un montant maximum de crédit, un taux d’intérêt et une durée. Si vous acceptez l’offre, les titres sont mis en garantie et la somme peut généralement être débloquée dans un délai assez court.
Les éléments à vérifier avant de signer
Avant de vous engager, il est impératif de bien comprendre :
- Le mode de calcul du taux d’intérêt : est-il fixe ou variable ? Sur quelle base est-il indexé (Euribor, taux de la BCE, etc.) ?
- Les modalités de remboursement : y a-t-il des échéances mensuelles, un amortissement in fine (c’est-à-dire en une seule fois à la fin du crédit), ou une souplesse quant au calendrier de versement ?
- Les clauses de couverture : la banque peut-elle revoir le LTV en cas de fortes turbulences boursières ? Quelles sont les conséquences d’un appel de marge ?
Les frais associés
Comme pour tout produit bancaire, des frais peuvent s’appliquer, par exemple :
- Des commissions d’origination, perçues au moment de la mise en place du prêt.
- Des frais de garde de titres, variables selon les établissements et la valeur du portefeuille.
- Des pénalités de remboursement anticipé, si elles sont prévues dans le contrat.
Il est fortement recommandé de négocier ces points avec son conseiller, ou de mettre en concurrence plusieurs établissements pour obtenir les meilleures conditions.
Gérer et rembourser son crédit lombard
Le suivi du portefeuille en garantie
Lorsque votre prêt est en place, la valeur de vos titres reste soumise aux fluctuations du marché. Si la bourse grimpe, vous gardez vos gains potentiels ; si elle chute, la marge de sécurité entre votre encours de crédit et la valeur de la garantie se réduit.
Il est essentiel de suivre régulièrement la valorisation du portefeuille, car en cas de baisse prolongée, la banque peut vous adresser un appel de marge. Cet appel vous oblige à rembourser une partie du capital ou à apporter d’autres actifs en garantie pour rétablir la couverture initiale.
Les stratégies de remboursement
Plusieurs stratégies sont possibles pour solder ou réduire progressivement le crédit :
- Utiliser une partie des dividendes ou des coupons obligataires perçus pour rembourser le capital ou les intérêts.
- Réaliser des arbitrages sur le portefeuille (revendre certaines positions gagnantes pour diminuer le capital dû).
- Recourir à une autre source de liquidités (vente immobilière, épargne disponible) pour un remboursement anticipé si le coût du crédit devient trop élevé ou si le risque de marché se renforce.
Les conséquences d’un manquement au remboursement
Si vous ne respectez pas vos obligations de remboursement, la banque peut décider de liquider tout ou partie des titres mis en garantie. Cela peut entraîner :
- La perte de potentiel de gains si la bourse se redresse par la suite.
- L’impact sur votre situation financière, notamment si vous comptiez sur les dividendes ou si vous aviez des projets à long terme pour ces placements.
C’est pourquoi la gestion du crédit lombard requiert une certaine rigueur, à la fois dans le pilotage de ses placements et dans l’anticipation des périodes de volatilité.
Conseils pratiques pour optimiser son crédit lombard
Choisir les bons actifs en garantie
Pour réduire le risque d’appel de marge, mieux vaut présenter à la banque un portefeuille diversifié, composé d’actions de grandes capitalisations, d’obligations notées « investment grade » et d’éventuels fonds offrant une volatilité modérée.
La diversification protège contre un choc trop violent sur un secteur ou une zone géographique en particulier. Les actifs à faible liquidité ou à forte volatilité peuvent être pénalisés par la banque via un LTV très bas, ou refusés.
Négocier les conditions avec sa banque
Il ne faut pas hésiter à comparer les offres de plusieurs établissements. Certains proposent des taux très compétitifs ou peuvent être plus souples sur le LTV si vous ouvrez chez eux un compte-titres et centralisez votre épargne. Il est également possible de négocier la suppression ou la réduction de certaines commissions, notamment si vous apportez un volume d’actifs conséquent.
Adapter son niveau d’emprunt à sa tolérance au risque
Lorsqu’on parle de crédit lombard, il faut garder en tête que c’est un produit à effet de levier : vous empruntez pour investir ou pour financer un projet, tout en gardant vos titres. Cela peut maximiser vos gains, mais aussi vos pertes si les marchés baissent.
Un ratio d’endettement plus faible signifie plus de sécurité. Il est donc préférable de ne pas puiser dans la limite maximale autorisée, et d’anticiper un matelas de liquidités pour faire face à d’éventuels appels de marge.
En bref, le crédit lombard est un outil financier puissant qui permet de débloquer des fonds en conservant son patrimoine boursier. S’il offre souplesse et rapidité, il requiert néanmoins une bonne compréhension des risques de marché et un suivi régulier de la valeur du portefeuille. Mieux vaut aborder ce type de financement avec une stratégie claire, en veillant à ne pas surévaluer ses capacités de remboursement et en choisissant les actifs en garantie avec soin. Pour ceux qui maîtrisent ces aspects, il peut représenter une solution particulièrement intéressante pour financer un projet sans sacrifier la performance à long terme de leurs investissements.